Le concours d’infractions : que faire ?
- Les Pénalistes en Herbe
- il y a 3 jours
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Le traitement d’un fait infractionnel peut conduire à des difficultés de résolution. La situation classique est celle où un individu se voit reprocher une seule infraction. Toutefois, la situation peut être plus complexe puisqu’un individu peut se voir reprocher plusieurs infractions pour un même fait. C’est dans ce contexte que réside la résolution des concours d’infractions.
En cas de pluralité d’infractions se pose la question de l’imputation de celles-ci à l’individu. Certaines infractions peuvent-elles se cumuler ? Si oui, lesquelles ? A contrario, dans quelles situations un cumul est-il prohibé ?
La singularité du concours d’infractions réside dans le principe non bis in idem. En effet, ce principe suppose qu’une personne ne peut être poursuivie, et dès lors punie, deux fois pour un même fait. Cependant, il existe des situations où ce principe est ajusté : le concours d’infractions.
La résolution d’un concours d’infractions suppose deux étapes : la détermination du type de concours (I), et la résolution en cas de concours idéal d’infractions (II).
I. Déterminer le type de concours
La pluralité d’infractions imputable à un même individu peut relever d’un concours réel ou d’un concours idéal d’infractions. Pour les distinguer, il convient de s’interroger sur la divisibilité des faits commis, en se positionnant au temps de l’action.
Si les faits sont matériellement divisibles, il y a une pluralité d’infractions, et c’est dès lors le concours réel d’infractions qui trouvera à s’appliquer. Il trouve sa source à l’article 132-2 du Code pénal « il y a concours d’infractions lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci n’ait été définitivement condamnée pour une autre infraction ».
A contrario, si les faits ne sont pas matériellement divisibles, il y a une unité de faits pour une pluralité de qualifications, et c’est dès lors le concours idéal d’infractions qui s’appliquera.
Par exemple, l’individu commettant des violences sur autrui, puis volant un de ses biens, commet des faits matériellement divisibles. Tandis que, l’individu qui met un produit toxique dans la nourriture d’autrui peut à la fois se voir reprocher l’infraction d’empoissonnement et d’administration de substances nuisibles.
Ainsi, en cas de concours réel d’infractions, aucune difficulté puisque toutes les infractions pourront être caractérisées. Chaque fait permettra la qualification d’une infraction. Tandis qu’en cas de concours idéal d’infractions le principe non bis in idem fait obstacle à une double qualification d’un unique fait infractionnel. Cette situation suppose sa résolution, avec dans un premier temps l’exclusion des concours d’apparence, et dans un second temps la solution applicable au concours.
II. Solutionner le concours idéal d’infractions
La résolution du concours idéal d’infractions a fait l’objet d’un récent revirement de jurisprudence. De sorte que le nouveau régime, issu de l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 15 décembre 2021 n°21-81.864, va être exposé ci-après.
NB: l’ancien principe sera exposé au sein d’un encadré à la fin de ce focus.
Le principe est désormais le cumul de qualifications, et l’exception l’unité de qualification.
Par principe, “la caractérisation des éléments constitutifs de l'une des infractions n'exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l'autre”. Le cumul de qualifications est applicable dès lors que les cas d’unité de qualification ne sont pas applicables. En d’autres termes, en l’absence d’une identité complète entre les qualifications il y a cumul.
Dans son arrêt, à la motivation enrichie, la Cour de cassation a admis le cumul des qualifications ; en l'occurrence des infractions de faux, d’usage de faux et d’escroquerie. Pour retenir ce cumul, elle précise qu’“aucune de ces infractions n’est un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l’une des autres” et que “l'article 313-1, qui incrimine l'escroquerie, vise les manoeuvres frauduleuses et non spécifiquement le faux ou l'usage de faux comme élément constitutif de ce délit”.
Par exception, le concours idéal se résout par l’unité de qualification. Dans deux situations le concours idéal se résout par la qualification d’une seule infraction : les qualifications incompatibles et les qualifications redondantes.
Les qualifications incompatibles
Sont incompatibles les qualifications opposées ou celles étant des suites naturelles. C’est notamment le cas du vol et du recel, puisque l’auteur du vol ne peut se voir reprocher la détention du bien volé car cette détention est ce qui est recherché par le vol ; il y a unité d’intention (Crim. 6 juin 1979, Bull. crim. n°193). Il en va de même pour l’infraction de meurtre et d’homicide involontaire. Le cumul de ces infractions n’est pas possible au regard du principe de légalité, et de l’illogisme qu’il implique.
Les qualifications redondantes
Sont redondantes les qualifications qui recouvrent des faits d’ores et déjà inclus dans une autre qualification. Cette redondance peut se matérialiser lorsque pour un même fait sont applicables la qualification spéciale et la générale. Dans cette situation, il convient d’appliquer l’adage specialia generalibus derogant, ainsi la qualification spéciale déroge à la qualification générale.
La redondance se manifeste également lorsque pour un même fait sont applicables la qualification large et la partielle. A cet égard, l’infraction retenue est celle qui englobe le plus largement les faits, ainsi la qualification large.
Enfin, sont redondantes les qualifications si l'une d’elles, telles qu'elles résultent des textes d'incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l'autre, qui seule doit alors être retenue.
Ancien régime de résolution Le concours idéal d’infractions se résolvait par principe par l’unité de qualification. Dès lors, n’était retenue que la plus haute expression pénale d’espèce (Crim. 26 juin 1930, Bull. crim. n°190). Ainsi, le fait était réprimé par la qualification ayant la peine avec le maximum légal le plus élevé. À noter que si les infractions en concours avaient une sévérité identique, était retenu l’infraction “de fin” ou “de moyen”. En d’autres termes, l’infraction recherchée par l’auteur des faits. Par exception, le concours idéal d’infractions se résolvait différemment en cas d’infractions ayant des valeurs sociales protégées distinctes ou ayant une pluralité de victimes. Dans ce cas, le concours idéal se résolvait comme pour un cumul idéal de qualifications, ou comme un concours réel d’infractions, donc par une pluralité de qualifications. En cas de valeurs protégées distinctes, il y avait autant de qualification que de valeurs protégées (Crim. 3 mars 1960, Bull. crim. n°138). Par exemple, l’infraction d’assassinat protège le droit à la vie, tandis que l’infraction de vol protège la propriété. A cet égard, ces deux infractions pouvaient se cumuler en cas de concours idéal d’infractions. En cas de pluralité de victimes, les qualifications étaient équivalentes au nombre de victimes, eu égard à la gravité de leurs blessures. Ainsi, les valeurs sociales protégées pouvaient être identiques, mais il était tenu compte des différentes qualifications en fonction de l’ampleur de l’atteinte portée à la victime. |
Mathilde SAUER