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Réductions de peine : laxisme ou nécessité ?

Dernière mise à jour : 8 déc. 2023



Le système des peines est partiellement incompris par un trop grand nombre de personnes. En effet, les mécanismes de réduction de peine sont méconnus car complexes, et amènent au raccourci suivant : la justice française est laxiste, car les personnes incarcérées sont remises en liberté plus tôt que le nombre d’années auxquelles elles avaient été initialement condamnées.


De fait, un petit éclairage s’impose.


Les crédits de réduction de peine – Lorsque qu’une personne se voit condamnée à un certain nombre d’années d’emprisonnement ou de réclusion criminelle[1], des crédits de réduction de peine sont automatiquement attachés à cette condamnation. Initialement, le système était inversé : en cas de bonne conduite du condamné durant son incarcération, des crédits de réduction de peine étaient attribués pour récompenser ce comportement positif. Au contraire aujourd’hui, ces crédits sont automatiquement attribués en début d’incarcération, et c’est leur réduction ou leur retrait qui va venir sanctionner le mauvais comportement du détenu.

L’article 721 du Code de procédure pénale prévoit le mécanisme de ces crédits de réduction de peine. Les crédits sont accordés par tranches d’années d’incarcération.

Ainsi, pour une condamnation à plus d’un an d’emprisonnement :

  • 3 mois sont accordés au titre de la première année d’incarcération

  • 2 mois sont accordés pour toutes les années qui suivent

De fait, une personne condamnée à 3 ans d’emprisonnement aura un crédit égal à 7 mois (3 mois déduits pour la première année d’incarcération puis 4 mois en tout pour les 2 années suivantes). La peine à purger ne sera donc plus que de 2 ans et 5 mois au lieu de 3 ans.


Pour une condamnation inférieure à un an d’emprisonnement, le crédit accordé est de 7 jours par mois. De fait, une personne condamnée à 9 mois d’emprisonnement aura un crédit de réduction de peine de 63 jours (7 jours de crédit x 9 mois d’emprisonnement), soit environ 2 mois de réduction. La peine à purger ne sera donc plus de 9, mais de 7 mois.

"L'octroi automatique de ces crédits de réduction de peine ne signifie pas qu'ils soient inamovibles"

Or, l’octroi automatique de ces crédits de réduction de peine ne signifie pas qu’ils soient inamovibles. En effet, leur retrait – total ou partiel – est possible, en cas de mauvaise conduite du détenu, en cas de refus de suivre des soins auxquels il avait pourtant été condamné, ou encore en cas de condamnation nouvelle pour un crime ou un délit volontaire commis à l’occasion d’une permission de sortie.

De plus, la partie de la peine qui ne sera pas effectuée en détention reste une période très surveillée. En effet, reprenons l’exemple d’un condamné à 3 ans d’emprisonnement qui serait sorti au bout de 2 ans et 5 mois. Durant les 7 mois qu’il passera en liberté, il est susceptible de retourner en détention s’il commet une nouvelle infraction punie d’une peine privative de liberté. Il pourra aussi retourner en détention si sa liberté était sous réserve d’obligations (indemniser la victime, ne pas entrer en contact avec cette dernière…), et qu’elles n’ont pas été respectées. Enfin, le condamné perdra de plein droit ses crédits de réduction de peine s’il refuse de se soumettre à un prélèvement biologique (permettant son identification au moyen de ses empreintes génétiques).

Dans les cas exposés ci-dessus, le condamné retournera en détention pour l’intégralité du temps qu’il lui restait à purger.


Il faut noter que certaines personnes ne peuvent bénéficier de ces crédits au moment de leur incarcération : les personnes condamnées pour des faits de terrorisme, et celles condamnées à perpétuité. Elles devront purger l’intégralité de leur peine, sans pouvoir bénéficier de cette réduction automatique de peine, qu’importe leur bon comportement en détention.


Les réductions supplémentaires de peine – D’autres réductions de peine sont accordées, cette fois au fur et à mesure de l’exécution de la peine, et non plus en amont. Elles sont octroyées en cas d’efforts sérieux de réadaptation sociale. Ce n’est donc plus ici pour récompenser une attitude simplement calme en détention, mais de réels efforts. Ces dernières sont prévues à l’article 721-1 du Code de procédure pénale.


Elles vont venir s’ajouter aux crédits automatiques déjà octroyés. De fait, seuls les détenus bénéficiant de crédits de réduction de peine pourront obtenir des réductions supplémentaires. Pour le cas des condamnés pour faits de terrorisme, la loi prévoit qu’ils peuvent cependant bénéficier de ces réductions supplémentaires (article 721-1-1 du Code de procédure pénale). Quant aux condamnés à perpétuité, on récompensera leurs efforts non pas en réduisant leur peine mais en réduisant leur temps d’épreuve[2] (leur permettant de solliciter leur liberté conditionnelle plus tôt).

Les détenus refusant les soins qui leur sont proposés, ou bien ceux qui étaient condamnés pour un crime ou un délit passible d’un suivi socio-judiciaire[3] et qui refusent de prendre le traitement proposé ne pourront pas bénéficier de ces réductions supplémentaires de peine, sauf décision contraire du juge d’application des peines.

"Les réductions supplémentaires de peine seront octroyées si ces trois volets sont satisfaits, un seul de ces efforts ne suffit pas à les obtenir."

Sont des efforts sérieux de réadaptation sociale les actes qui renvoient classiquement à la formation, aux soins et à l’indemnisation des victimes, comme par exemple :

- Le fait de passer avec succès un examen universitaire, scolaire ou professionnel traduisant l’acquisition de nouvelles connaissances

- Le fait de justifier de réels progrès dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation

- Le fait de s’investir dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul

- Le fait de participer à des activités culturelles

- Le fait de travailler en détention

- Le fait de suivre une thérapie destinée à limiter les risques de récidive

- Le fait de faire des efforts en vue d’indemniser la victime


Les réductions supplémentaires de peine seront octroyées si ces trois volets sont satisfaits, un seul de ces efforts ne suffit pas à les obtenir.


Le juge d’application des peines va examiner la situation de chaque détenu, une fois par an (ou bien une seule fois si la condamnation est inférieure à 1 an d’emprisonnement) et accorder les réductions de peine au fur et à mesure. Les réductions supplémentaire sont de cet ordre :

  • 3 mois par année d’incarcération

  • 7 jours par mois quand la peine restant à purger est inférieure à un an

Ces quantums sont des maximums, que le juge d’application des peines peut doser, en fonction du profil du détenu. De plus, ce dernier peut accorder ces réductions une seule fois durant la détention, sans pour autant en ajouter d’autres les années suivantes, si les conditions d’octroi ne sont plus réunies par la suite.


De fait, pour reprendre l’exemple d’une personne condamnée à 3 ans d’emprisonnement : cette dernière bénéficiait de 7 mois de crédit de réduction de peine. Elle pourrait avoir droit, sous réserve de remplir chaque année toutes les conditions énoncées plus haut, à 9 mois (3 mois de réduction x 3 ans d’emprisonnement) de réduction de peine supplémentaires au maximum, soit 16 mois au total, ramenant ainsi sa peine à 1 ans et 8 mois au lieu de 3 ans.

Au même titre que les crédits de réduction de peine, les réductions supplémentaires peuvent aussi être retirées à leur bénéficiaire en cas de commission d’un crime ou d’un délit volontaire à l’occasion d’une permission de sortie, ou encore en cas de refus de se soumettre à un prélèvement biologique. De la même manière, si des conditions à la liberté étaient posées et ne sont pas respectées, le condamné retournera en détention et purgera l’intégralité de sa peine.


Les réductions exceptionnelles de peine : le système des repentis – Ce système est spécifique à la criminalité et délinquance organisées. Il est accordé aux condamnés qui ont permis de faire cesser ou d’éviter une infraction relevant de la délinquance ou de la criminalité organisées, de par leurs déclarations faites avant ou après leur condamnation.

"La réduction exceptionnelle de peine (…) peut ainsi aller jusqu'au tiers de la peine initialement prononcée."

C’est l’article 721-3 du Code de procédure pénale qui prévoit ce système. La réduction exceptionnelle de peine est attribuée par le tribunal de réduction des peines, et peut ainsi aller jusqu’au tiers de la peine initialement prononcée.


Pour les condamnés à perpétuité, la récompense est octroyée sous forme de réduction du temps d’épreuve, qui sera de 5 ans maximum.


Les motifs de retrait sont ici plus restreints. En effet, quelle que soit l’attitude du condamné, le service qu’il a rendu à la justice reste inchangé, son aide n’est jamais remise en cause. De fait, il ne perdra pas cette réduction exceptionnelle de peine s’il ne respecte pas les obligations imposées durant sa liberté. Il sera cependant susceptible de la perdre en tout ou partie s’il commet une nouvelle infraction durant une permission de sortie ou s’il refuse de se soumettre à un prélèvement biologique.


Ces différents systèmes, bien que complexes au premier abord, sont en fait assez facilement compréhensibles, que ce soit dans leur substance ou dans leur principe. Dans leur substance, les calculs peuvent paraitre laborieux mais sont en fait assez aisés. Cela permet également de faire comprendre à certaines personnes que les remises en liberté anticipées par rapport à la peine initiale sont justifiées et encadrées légalement, et ne sont pas faites de façon arbitraire ou discrétionnaire.

"N'oublions pas que la détention a pour but de rendre l’homme meilleur. S’il est en phase de le devenir, alors pourquoi le laisser en détention aussi longtemps que prévu initialement ?"

Quant à leur principe, il est facilement compréhensible que des réductions de peine soient octroyées. En effet, les conditions de ces différentes réductions de peines sont assez strictes et correspondent à la nécessité de la personnalisation de la peine. De fait, le quantum de la peine est déterminé en fonction de plusieurs facteurs, et notamment en fonction de la personnalité du condamné. Un condamné faisant des efforts en vue de sa réinsertion dans la société et adoptant un comportement exemplaire en détention, signes de repentir, mérite que sa peine soit revue à la baisse.


En effet, n’oublions pas que la détention a pour but de rendre l’homme meilleur. S’il est en phase de le devenir, alors pourquoi le laisser en détention aussi longtemps que prévu initialement ?



Eva BAROUK


 

[1] On parle d’emprisonnement pour une peine privative de liberté inférieure à 10 ans, et de réclusion criminelle pour une peine privative de liberté supérieure à 10 ans.

[2] Le temps d’épreuve est la durée pendant laquelle il n’est pas possible d’obtenir une libération conditionnelle.

[3] Le suivi socio-judiciaire est une mesure qui entraîne l'obligation pour un condamné de se soumettre à des obligations de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive.




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