La Police, en trois mots ?
Service – engagement – protection
Pouvez-vous détailler le parcours que vous avez effectué pour arriver au grade que vous occupez actuellement ?
J’ai étudié le droit à l’université de Bordeaux IV jusqu’à la maitrise de droit privé, puis ai passé dans un premier temps le concours de Gardien de la Paix alors que j’effectuais mon service militaire en tant que policier auxiliaire à la CRS 14 de Bordeaux. Après avoir intégré la 160ème promotion de gardien de la paix à l’école nationale de police de Chatel Guyon (63), j’ai passé pendant la scolarité, le concours de Lieutenant de Police en 1999 pour intégrer ensuite la 5ème promotion de Lieutenant à l’ENSOP de Cannes Ecluses (aujourd’hui ENSP). A la fin de la scolarité, j’ai choisi comme affectation le Commissariat de Police d’Epinay sur Seine/Villetaneuse (93) où j’y ai passé 3 ans au sein de l’UIR : Unité d’investigations et de recherches (devenue ensuite BSU : Brigade de Sûreté Urbaine). J’ai pu ensuite obtenir une mutation à l’Antenne de Police Judiciaire du Val d’Oise (3 ans au GRB : Groupe de Répression du Banditisme, et 8 ans au Stups). A l’occasion de mon affectation aux Stups, j’ai pu obtenir le grade de Capitaine. En 2015, pour des raisons familiales, j’ai rejoint la Gironde et obtenu ma mutation à la Direction Départementale de Sécurité Publique de la Gironde et plus précisément à l’unité stupéfiants où j’exerce les fonctions d’adjoint au chef d’unité et de chef de groupe.
Quelles sont selon vous, les qualités essentielles que doit avoir une personne pour intégrer la police ? Pour être officier de police ?
A mon sens, les qualités essentielles qu’une personne doit avoir pour intégrer la Police sont le sens des autres, la faculté d’analyser et de s’adapter à n’importe quelle situation, et l’impartialité. L’officier de Police doit en plus développer ses capacités à manager une équipe, être à l’écoute, savoir prendre les bonnes décisions et se comporter de façon juste et égale avec ses collègues.
Quelles sont les principales missions de l’Officier de police ?
Les principales missions de l’Officier de Police sont variées tant les métiers sont différents selon la direction d’emploi occupée : management pur – ordre public – investigations – renseignement – formation etc.… Il est difficile de définir les missions essentielles car un officier CRS n’a pas les mêmes attributions qu’un Officier qui exerce en PJ ou à la DGSI
Est-ce que ce métier tend à se féminiser ?
Le métier de policier se féminise depuis plusieurs années maintenant, quelque soit le corps d’appartenance mais également quelle que soit la direction d’affectation. C’est plutôt une bonne chose !
Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez choisi d’intégrer la brigade des Stups ?
Dès mes premières années en commissariat, j’ai très vite appris à gérer des procédures liées aux infractions à la législation sur les stupéfiants et lors de mon passage en Police Judiciaire, j’ai intégré les Stups notamment pour des raisons d’affinités avec les collègues qui composaient alors la brigade et dont la dynamique m’attirait énormément. J’ai pu, dans tous les services où j’ai été affecté, connaître d’affaires de stups d’une grande variété : du petit deal de cité aux importations importantes par voie aérienne ou maritime. C’est une matière passionnante car touchant toutes les catégories sociales. Tous les enquêteurs dans les groupes stupéfiants pourront souligner le côté « ludique » des investigations. Il y a peu de chances d’éradiquer le trafic et c’est justement cette liberté de pouvoir investiguer dans la direction choisie qui est intéressante.
A quoi pourrait ressembler une journée au sein de cette brigade ?
Ce qui fait le charme du métier de Policier, c’est qu’il n’y a justement pas de journée type. Il est impossible de prévoir façon « Minority Report » l’événement qui va justement guider sa journée. Ceci dit, les impondérables occupent souvent les journées de la Brigade ; écoutes téléphoniques, recherches fichiers, exploitation de la téléphonie et de l’informatique, surveillances, filatures…
Quels moyens possède cette brigade au cours des investigations policières ?
Nos moyens sont les mêmes que n’importe quelle autre brigade exerçant une mission de police judiciaire : interpellations, perquisitions, fouilles, écoutes téléphoniques, sonorisations, géolocalisation, gestion des gardes à vue etc...
Le droit pénal et la procédure pénale ont-ils une part centrale dans la pratique du métier d’officier de police ?
Bien évidemment, le droit pénal et la procédure constituent le cœur de notre métier, nous policiers chargés de l’investigation. Toutes les enquêtes sans exception doivent être le reflet d’une stricte application des règles de procédure. De même, une bonne connaissance de l’ensemble des infractions prévues par le code pénal est indispensable pour mener à bien nos enquêtes et les orienter comme il se doit.
Est-ce que les réformes successives de la procédure pénale, notamment la procédure pénale spéciale liée à la criminalité organisée, ont complexifié votre travail ?
On peut effectivement affirmer que les réformes successives de la procédure pénale ont au moins alourdi la charge de travail, à défaut d’être toujours complexes. Mais quelques dispositions propres à la criminalité organisée ont permis de faciliter les conditions de travail dans certains domaines.
Quels sont concrètement les rapports que vous entretenez avec le Parquet ?
Les rapports avec le Parquet sont professionnels et pour chacun réciproquement compréhensifs du travail de l’autre. Le Parquet dans son ensemble dirige l’activité de police judiciaire, mais pour autant les magistrats n’hésitent pas à demander l’avis des enquêteurs sur l’orientation d’une enquête. A l’inverse, les enquêteurs n’hésitent pas, pour ce qui concerne mon unité, à demander l’avis à tel ou tel magistrat. Enfin, il faut bien comprendre que la qualité de nos procédures doit faciliter le travail du magistrat, notamment quand il requiert, et représente le Ministère Public lors du jugement définitif.
Pensez-vous que les mesures de sûreté sont à privilégier face à une courte peine d’emprisonnement (inférieure à 1 an) ?
Les mesures de sûreté sont des mesures préventives décidées par le juge. Il en existe de nombreuses comme actuellement la surveillance judiciaire, le placement sous surveillance électronique mobile (bracelet), ou encore le traitement thérapeutique.
Elles sont souvent prévues lorsque l’individu a initialement été condamné à une longue peine d’emprisonnement. Les privilégier par rapport à de courtes peines d’emprisonnement pourrait certainement améliorer les conditions d’incarcération notamment en ce qui concerne la surpopulation de certaines maisons d’arrêt. Mais ces mesures peuvent être coûteuses et les étendre à l’ensemble de la petite et moyenne délinquance me paraît illusoire.
Au regard de l’actualité, et de l’évolution de notre société, avez-vous ressenti un changement global quant à la considération et au respect que les citoyens ont envers la police ?
Depuis mon entrée dans la Police, je perçois au gré de l’actualité, notamment avec les nombreux attentats terroristes ayant touché notre pays, un respect profond et sincère d’une partie de la population à l’égard de notre institution et des valeurs que nous pouvons défendre.
Il ne faut pour autant pas se leurrer, de nombreuses campagnes de dénigrement, via presse interposée, ont aussi causé du tort à la Police, et certains préjugés subsistent, plus par méconnaissance de notre travail que par opposition vraiment réfléchie.
Pourquoi êtes-vous entré dans la police ?
Fils d’un père militaire ayant combattu pour la France, j’ai reçu en héritage une certaine conception du service des autres. M’engager dans la Police était une façon de me rendre utile, d’être au service de mes concitoyens, et d’utiliser les quelques notions de droit apprises à l’université. Enfin de façon plus légère, la série Les Brigades du Tigre, même si elle peut paraître désuète aujourd’hui, me donnait l’envie moi aussi un jour de pouvoir mener les mêmes enquêtes. Après 20 ans dans la Police, je ne suis pas déçu, j’apprécie chaque jour l’esprit d’équipe qui règne dans mon unité, la solidarité face aux situations professionnelles parfois difficiles. Il y a, comme dans tout métier, des passages à vide ; mais la motivation et l’envie de bien faire reviennent toujours assez vite !
Quel(s) conseil(s) pourriez-vous donner aux étudiant(e)s qui souhaiteraient devenir officier de police ?
Être ouvert à l’inconnu, à la diversité et se méfier de tout préjugé. Connaître aussi ses envies avant de rentrer dans la Police car les métiers sont nombreux, la spécialisation de plus en plus présente, ne pas perdre de vue également que l’Officier doit être polyvalent et à ce titre posséder en lui une bonne capacité d’adaptation.
Merci à Vincent d’avoir pris le temps de répondre à nos questions !
Propos recueillis par Lucie POUFFET,
étudiante en M1 Droit pénal et sciences criminelles,
Université de Bordeaux
Cette interview a été publiée pour la première fois dans la revue n°1, en juin 2018
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