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Les mesures de contrainte pendant l'instruction

Dernière mise à jour : 26 nov. 2023

Ce focus a été publié pour la première fois le 23 janvier 2023. Il a été écrit par Mme Anthéa REGOURD.


« Pendant le déroulement d’une procédure pénale, plusieurs mesures de contrainte peuvent intervenir. Tout d’abord, dans le cadre des enquêtes, la garde à vue peut être décidée, toutefois, celle-ci se déroule sur une courte durée.

En revanche, lors de l’instruction, les mesures prononcées sont plus longues et applicables uniquement au mis en examen. »


Cadre général – l’instruction préparatoire

Pendant le déroulement d’une procédure pénale, plusieurs mesures de contrainte peuvent intervenir. Tout d’abord, dans le cadre des enquêtes, la garde à vue peut être décidée, toutefois, celle-ci se déroule sur une courte durée (24 heures voire 48 heures). 


En revanche, lors de l’instruction, les mesures prononcées sont plus longues et applicables uniquement au mis en examen.


L’instruction préparatoire est ouverte par un réquisitoire introductif (émanant du Procureur de la République) ou bien par une plainte avec constitution de partie civile à destination du juge d’instruction afin d’orchestrer tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité. 


Elle concerne généralement les délits graves ou complexes. L’ouverture d’une information judiciaire est automatique en matière criminelle.



Il sera question dans ce focus, d’évoquer les mesures de contrainte intervenant pendant l’instruction ; ces dernières étant prévues par l’article 137 du Code de procédure pénale.


Ces mesures sont décidées soit par le juge d’instruction, soit par le juge des libertés et de la détention de manière crescendo, c’est-à-dire que le magistrat envisagera en premier lieu un contrôle judiciaire, puis si cela n’est pas suffisant, il envisagera une assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) puis, à titre exceptionnel, la personne pourra être placée en détention provisoire. 


Les magistrats au cœur de l’instruction

Le procureur de la République, aussi appelé ministère public, est le pivot de la procédure pénale, il intervient à tous les stades de cette dernière. Par ailleurs, ses réquisitions représentent la majeure partie des ouvertures d’instruction. Il est celui qui saisit le juge d’instruction d’une demande de placement sous une mesure de contrainte. 


Le juge d’instruction est le chef d’orchestre de l’instruction. Il peut, soit être saisi par le Procureur de la République après un réquisitoire introductif d’instance, soit par une plainte avec constitution de partie civile. Il a la possibilité de prononcer un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence sous surveillance électronique.


Si le juge d’instruction souhaite placer un mis en examen en détention provisoire, il doit obligatoirement saisir le juge des libertés et de la détention à cette fin. En effet, le juge d’instruction a notamment perdu cette compétence avec la loi du 15 juin 2000.


Il est important de noter que le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ne sont pas dans l’obligation de suivre les réquisitions pour lesquelles ils sont saisis. 


Le contrôle judiciaire

Définition : Dans le cadre du contrôle judiciaire, prévu par les articles 138 et suivants du Code de procédure pénale, la personne reste libre mais elle est soumise à des obligations qu’elle devra respecter



Conditions : Cette mesure n’est possible que lorsqu’au minimum, une peine d’emprisonnement correctionnelle est encourue.

Ce contrôle judiciaire est généralement décidé par le juge d’instruction, après avoir décidé d’une mise en examen et avoir recueilli l’avis du procureur de la République.

Toutefois, deux autres juridictions peuvent prononcer cette mesure de contrainte :

  • Le juge des libertés et de la détention s’il n’opte pas pour une mesure plus sévère (assignation à résidence ou détention provisoire). 

  • Le tribunal correctionnel lorsqu’une comparution immédiate a été décidée et que la cour ne peut pas se réunir immédiatement, il va alors décider d’un contrôle judiciaire pour s’assurer que la personne sera présente au moment de l’audience.


Obligations : Le juge va imposer au mis en examen une ou plusieurs obligations parmi celles que propose la loi. L’article 138 du Code de procédure pénale liste 20 mesures possibles, les plus répandues étant : Ne pas sortir de certaines limites territoriales, Ne pas rencontrer certaines personnes : des coauteurs par exemple, Ne pas aller dans certains lieux ou secteurs géographiques, Ne pas conduire, Ne pas exercer certaines activités professionnelles, Se présenter régulièrement devant les autorités désignées comme un commissariat, Se soumettre à des soins.


Il est possible pour le juge de lever une obligation à tout moment mais également d’en ajouter une s’il celle-ci s’avère utile. Cette mesure est totalement adaptable



Sanction du non-respect : Les effets du contrôle judiciaire conduisent le mis en examen à rester en liberté tant qu’il respecte ses obligations. En cas de non-respect des obligations, il est possible pour le juge d’instruction de saisir le juge des libertés et de la détention pour obtenir le placement du mis en examen en détention provisoire ou bien le prononcé d’une ARSE.


L’assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE)

Définition : Cette mesure est définie par l’article 142-5 alinéa 2 du Code de procédure pénale. La personne doit demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention. 


La personne assignée à résidence doit porter un bracelet électronique qui émet un signal à un boîtier placé dans le lieu de résidence, lequel boîtier communique avec un centre de surveillance géré par l’administration pénitentiaire. 



Conditions : Pour mettre en place un tel système, il faut que le mis en examen encourt une peine d’au moins deux ans d’emprisonnement et que le contrôle judiciaire soit insuffisant (par exemple, pour empêcher la communication de la personne avec les coauteurs ou pour empêcher la personne d’exercer des violences sur son conjoint).


De plus, il faut que le mis en examen autorise l’installation du dispositif technique au sein de sa résidence, sans cela, le contrôle ne fonctionne pas. C’est ce que l’on appelle l’enquête de faisabilité. 



Obligations : La personne ne peut pas s’absenter de son domicile sauf aux heures indiquées par le juge. Ainsi, dans le cadre de l’assignation à résidence, il existe une restriction à la liberté d’aller et venir. 


A cela s’ajoute la possibilité pour le juge d’imposer des obligations ou interdictions issues du contrôle judiciaire comme le fait de ne pas rencontrer telle ou telle personne, ne pas se rendre dans tel ou tel lieu pendant les heures de sorties.


Le juge peut décider de placer sous assignation à résidence une personne qui était en détention provisoire ou à l’inverse de durcir sa position et placer sous assignation à résidence une personne qui était sous contrôle judiciaire auparavant. Cela peut avoir lieu à tout moment lors de l’instruction. 


Comme pour toutes les mesures de restriction de liberté dans la phase de l’instruction, l’assignation à résidence peut être levée par le juge à tout moment, soit d’office soit sur demande du mis en examen.



Spécificités : Ces heures de sorties sont impératives quand le mis en examen vit seul et rigoureusement nécessaires dans tous les cas, il faut qu’il puisse se nourrir, consulter un médecin mais aussi prendre l’air, pratiquer un sport.


A priori, cette mesure est plus confortable qu’une détention provisoire, cependant, elle est difficile à mettre en œuvre, à supporter psychologiquement sur le long terme et nécessite un coût élevé. Ainsi, l’assignation à résidence est prononcée pour des durées courtes, rarement au-delà de 6 mois (renouvelable une fois).


Ainsi, puisqu’il s’agit d’une véritable entrave à la liberté d’aller et venir, cette période sera incorporée dans la peine privative de liberté définitive. Cela compte comme une période de détention



Distinction : Cette mesure de contrainte est à distinguer de la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) qui, elle, est prononcée à titre de peine ou d’aménagement de peine. 


Sanction du non-respect : Dans le cas où une personne placée sous assignation ne respecte pas les horaires ou ses obligations, la sanction est la même que celle prévue pour la violation du contrôle judiciaire, le juge des libertés et de la détention sera saisi par le juge d’instruction, afin de prononcer un placement en détention provisoire.


La détention provisoire

Définition : Cette mesure est définie par les articles 143-1 et suivant du Code de procédure pénale. 


Il s’agit de la mesure la plus sévère. Elle consiste en une incarcération du mis en examen dans un établissement pénitentiaire, précisément, une maison d’arrêt.



Conditions : Il faut pour que la détention provisoire soit prononcée, au minimum, une peine encourue d’emprisonnement égale ou supérieure à 3 ans, ou encore une violation des obligations du contrôle judiciaire ou des obligations d’une assignation à résidence.


De plus, le juge devra établir que les deux précédentes mesures sont insuffisantes et qu’il s’agit de l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs fixés par la loi (exemples : conserver les preuves et indices, empêcher la pression sur les témoins ou victimes, maintenir la personne à disposition de la justice, mettre fin à une infraction).



Procédure : La détention provisoire ne peut être prononcée qu’après la saisine du juge des libertés et de la détention par le juge d’instruction, ce dernier ayant perdu cette compétence depuis une loi du 15 juin 2000. 


Parfois, le juge des libertés et de la détention est saisi directement par le procureur de la République lui-même. Cela est possible lorsque le ministère public avait demandé un placement en détention provisoire au juge d’instruction, mais que ce dernier a jugé un contrôle judiciaire suffisant et lorsqu’une peine de 10 ans d’emprisonnement est encourue.


Avant de prononcer cette mesure, le juge des libertés et de la détention informe le mis en examen et son avocat qu’une détention provisoire est envisagée lors d’un débat contradictoire. Le juge pourra ainsi entendre le ministère public, le mis en examen et son avocat. 


A l’issue de ce débat contradictoire, une détention provisoire peut être prononcée, mais également un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence si le magistrat estime que la détention provisoire n’est pas nécessaire.

A l’instar de l’assignation à résidence, la durée de la détention provisoire est déduite de la peine d’emprisonnement ou de réclusion définitive.



Durée : La durée de la détention provisoire varie en fonction de la gravité de l’infraction. 


De plus, une prolongation exceptionnelle de 4 mois par la Chambre de l’instruction est possible quand il existe un risque d’atteinte grave à la sécurité :


En matière correctionnelle : 2 ans et 4 mois maximum

  • Droit commun : la durée ne peut pas excéder 4 mois si la peine encourue est inférieure à 5 ans. Dans les autres cas, la détention peut être prolongée de 4 mois (6 mois en matière terroriste) sans excéder 1 an.

  • Pour des faits commis hors du territoire français et dont la peine encourue est de 10 ans d’emprisonnement, la durée est portée à 2 ans.


En matière criminelle : 4 ans et 8 mois maximum

  • Droit commun : la durée ne peut pas excéder 1 an sauf en cas de prolongation (tous les 6 mois) par le juge des libertés et de la détention.

  • Lorsque le mis en examen encourt une peine de réclusion criminelle inférieure à 20 ans : la durée de la détention est de 2 ans (3 ans si les faits sont commis hors du territoire français). 

  • Lorsque le mis en examen encourt une peine supérieure ou égale à 20 ans : la durée de la détention est de 3 ans (4 ans si les faits sont commis en dehors du territoire français)

  • Pour des faits de proxénétisme, de terrorisme, crime en bande organisée, trafic de stupéfiants ou encore extorsion de fond : la durée est de 4 ans. 



Anthéa REGOURD

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