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« Un jugement trop prompt est souvent sans justice » 

Cet article propose le commentaire de la citation de Voltaire : « Un jugement trop prompt est souvent sans justice ». [1]



« Juger, c’est prendre le “temps” de trouver la juste distance entre une situation, des faits et des émotions » [2]. Puisque la Justice, et particulièrement la justice pénale, est une œuvre humaine (par là nécessairement empreinte d’humanité et sujette à une certaine faillibilité), la question du temps du procès pénal soulève des interrogations anciennes. 


Il apparaît rapidement qu’une mise en balance doit être effectuée puisque des intérêts divergents et parfois même contradictoires sont en jeu, s’agissant notamment de la protection des personnes intéressées au procès et de l’efficacité de la répression. 


En effet, qu’il s’agisse de l’allongement du temps de la procédure ou de l’accélération de celui-ci, ces deux variations de la temporalité du procès pénal répondent à des problématiques qui leurs sont propres. 

D’une part, la lenteur de la Justice est grandement critiquée. Les griefs anciens n’ont fait que s’accentuer au cours des dernières décennies. En raison d’abord du manque de moyens offerts au service public de la Justice. En raison ensuite du développement de nouvelles politiques pénales visant par ailleurs à répondre à un besoin sociétal et à augmenter le taux de réponse pénale. Alors, l’insuffisante célérité de la justice dégrade, nécessairement, les rapports qu’entretiennent les justiciables avec celle-ci. De la “lenteur” de la justice pénale, l’ensemble des acteurs semblent en sortir perdants, qu’il s’agisse des justiciables ou de la Justice elle-même. N’a-t-il pas, d’ailleurs, été mis en place une action indemnitaire [3] réparant le fonctionnement défectueux du service public de la justice ? 


D’autre part, la célérité de la Justice doit être « entendue non pas comme synonyme d'urgence ou de précipitation mais de rapidité maîtrisée au service de l'effectivité et de la qualité de la justice » [4]. Le temps devient alors un critère d’évaluation du bon fonctionnement du système judiciaire. Mais, paradoxalement, ces considérations tendant à l’accélération du procès pénal sont parfois exacerbées. En naissent alors certaines craintes s'agissant notamment d’une justice considérée comme expéditive [5]


Alors, « simple ou plus complexe, l’intervention de la Justice répressive [..] suppose toujours un intervalle de temps, variable, entre ses préliminaires et son issue définitive » [6]. Donc, il est impératif de chercher à parvenir à un certain équilibre entre un temps suffisamment long pour que la Justice soit consciencieusement rendue et un temps suffisamment court pour que la Justice soit d’une qualité satisfaisante. D’ailleurs, Cesare BECCARIA dans son Traité des délits et des peines, en 1764, disait déjà qu’« il faut concéder assez de temps et de moyens à l’accusé pour qu’il puisse se justifier ; mais ce temps doit être suffisamment bref pour ne pas porter préjudice à la promptitude de la peine ». 


Ainsi, au cours du XXème siècle mais surtout au début du XXIème siècle pour ce qui nous intéresse, la temporalité du procès pénal a été modifiée. 

Par exemple, sont apparus ou ont été réformés, à grand renfort de considérations morales, sociales, sociétales ou philosophiques, les délais de prescription, les durées encadrant la phase préparatoire du procès pénal, les délais encadrant les mesures coercitives et les actes d’investigations… Ces limitations temporelles se sont accompagnées d’autres mécanismes tels que les procédures accélérées ou les modes transactionnels de règlement des litiges devant le juge répressif.


Enfin, il semble pertinent de se focaliser sur l’articulation entre l’objectif de célérité de la Justice, les desiderata des justiciables et des professionnels du droit et les impératifs posés pour assurer le respect des droits et libertés fondamentaux tels que les droits de la défense. En effet, certains déplorent « le manque de temps accordé à la défense, mais également la rapidité du traitement du mis en cause qui est un frein à l’individualisation de la peine » car dans les procédures accélérées de traitement des affaires pénales, la personne mise en cause serait « beaucoup moins présumée innocente que dans les procédures dites “classiques” » [7]. Cependant, cette question pourrait être envisagée en se fondant sur d’autres considérations. En effet, le temps est d’abord une « durée considérée comme une quantité mesurable » [8], il est alors synonyme du terme « délai ». 


À ces égards, il conviendra de s’interroger sur la recherche permanente d’efficacité mais surtout sur la conciliation entre cette efficacité et l’exigence de célérité. Dès lors, le temps est-il une variable nécessaire mais contraignante au sein de la procédure pénale ?


Pour répondre à cette interrogation, l’association Les pénalistes en herbe vous propose une série de quatre articles intitulée “Le temps et la procédure pénale”. Ces articles aborderont des thématiques distinctes mais complémentaires pour appréhender le plus largement possible les problématiques liées aux variables temporelles au cours de la procédure. 

La phase préparatoire du procès pénal, d’abord, a connu d’importantes réformes s’agissant de sa durée tant dans le sens d’un allongement de celle-ci que dans le sens d’un certain raccourcissement. Seront à ce titre envisagés l’évolution de la prescription (I) et la volonté de rationaliser le temps de cette phase (II). 

En sus, la phase de jugement est régie par des règles et pratiques ayant pour effet, là aussi, d’allonger ou de raccourcir sa durée. Seront donc envisagés l’allongement en demi-teinte du temps de la réponse pénale (III) et la volonté de rationaliser le temps de cette réponse (IV).



Juliette SUSSOT


 

[1] VOLTAIRE, Rome sauvée, ou Catilina (1752), Acte IV, scène 4, César, ligne 1136

[2] CASANOVA (C.-M.), « La justice et son rapport au “temps” », Dalloz actualité, 28 mai 2020

[3] L’article L.141-1 du Code de l’organisation judiciaire permet d’engager la responsabilité de l’État pour que soient réparés les dommages causés par le fonctionnement défectueux de la Justice.

[4] DANET (J.), BRIZAIS (R.), LORVELLEC (S.), « La célérité de la réponse pénale », AJ pénal, 18 nov. 2013, p. 576 [5] À ce sujet voir la Tribune des 3000  : « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout »

[6] ROUJOU DE BOUBEE (G.), Le temps dans la procédure pénale, Annales de la faculté de droit et de science politique de l’Université de Clermont I, Fasc. 20, 1983, p. 77 cité par MIHMAN (A.), Contribution à l’étude du temps dans la procédure pénale, Thèse, 2007, p. 17, §6 [7] SYGUT (J.), « La défense, le temps et la contradiction », Gazette du Palais, 26 sept. 2017, n°32, p. 16, §4 [8] Dictionnaire Larousse [en ligne], ss. Temps, 3°

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