Après #Metoo, #BalanceTonPorc, c’est le hashtag #IWas qui a fait son apparition sur les réseaux sociaux à la fin du printemps dernier. Par ces tweets et posts, des victimes de viols, ou d’agressions sexuelles principalement, dénoncent l’âge auquel elles ont vécu ces faits. Régulièrement, ce hashtag est couplé avec #StopPrescription ou encore #AmnésieTraumatique. Plusieurs pétitions circulent encore aujourd’hui réclamant l’imprescriptibilité des crimes (et parfois des délits) sexuels commis à l’encontre de mineurs. Si le concept de la prescription est particulièrement malmené par les vagues #Metoo et #IWas, il reste un problème plus général, et plus ancien, qui s’est toujours posé dans les différents cas de cold case[1] par exemple.
Héritée du droit romain en France, la prescription est en principe exclue au Royaume-Uni par exemple[2].
Dès lors, face à toutes les difficultés régulièrement soulevées, notamment dans les médias, on peut se demander : face au mécanisme de la prescription, quelle solution pourrait-il exister pour les victimes ?
Les pistes de l’imprescriptibilité et la reconnaissance de l’amnésie traumatique seront évoquées dans cet article.
I) La prescription : définition et règles principales
"Elle peut se définir comme un mode d’extinction de l’action publique (c’est-à-dire des poursuites exercées par le Procureur de la République contre une personne) résultant du non exercice de celle-ci avant l’expiration du délai fixé par la loi, dont la survenance résulte du seul écoulement du temps. "
Définition de la prescription en matière pénale
La prescription au sens où nous l’entendrons dans cet article renvoie plus précisément à la prescription de l'action publique[3]. Elle peut se définir comme un mode d’extinction de l’action publique (c’est-à-dire des poursuites exercées par le Procureur de la République contre une personne) résultant du non exercice de celle-ci avant l’expiration du délai fixé par la loi, dont la survenance résulte du seul écoulement du temps.
Principales règles relatives à la prescription en matière pénale :
Ces règles ont été remaniées récemment[4]. La prescription de droit commun a été modifiée par la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale. Pour les contraventions elle est toujours d’un an, pour les délits elle est passée de 3 à 6 ans, pour les crimes elle est passée de 10 à 20 ans.
Attention, de nombreuses règles dérogatoires existent pour certaines infractions, qu’il s’agisse de raccourcir les délais (ex : délai de 3 mois pour injure ou diffamation), ou de les allonger (ex : délai de 30 ans au lieu de 20 pour les infractions de terrorisme ou de viol sur mineur). De plus, il convient de noter que lorsque la victime est mineure, dans certains cas le délai court à la majorité de celle-ci (ainsi, une victime de viol mineure au moment des faits peut porter plainte jusqu’à ses 48 ans (18+30)[5]). En droit français, seuls les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide sont imprescriptibles.
Pour certains types d’infractions, des règles spécifiques existent. C’est le cas notamment pour les infractions occultes et dissimulées pour lesquels l’article 9-1 du Code pénal prévoit l’existence d’un délai butoir. Concernant les infractions continues, qui se caractérisent par la durée de leur exécution (ex : le recel, c'est-à-dire la détention de mauvaise foi d'un bien dont le détenteur connaît l'origine frauduleuse), le point de départ de la prescription se situe au moment où l'état délictueux a cessé.
L’article 9-2 CPP précise que le délai de prescription de l'action publique est interrompu par les actes de poursuite, d’enquête, d’instruction, ou tout jugement ou arrêt s’il n’est pas entaché de nullité. Si un de ces actes intervient, le délai repart à zéro et un nouveau délai commence à courir. L’interruption du délai de prescription ne doit pas être confondue avec la suspension du délai de prescription qui crée une sorte de parenthèse dans le délai, délai qui pourra reprendre par la suite en prenant en compte pour le calcul du délai, le temps déjà écoulé. L’article 9-3 du CPP prévoit que « Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, suspend la prescription » et résulte d’un adage selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui ne peut pas valablement agir (par exemple en cas d’exception préjudicielle ou de catastrophe naturelle).
II) La prescription : un concept critiqué
Les justifications traditionnelles de la prescription : La principale justification de la prescription est ce que certains auteurs appellent le « droit à l’oubli » pour l’auteur d’une infraction. Cela signifie qu’au bout d’un certain temps, dans un intérêt de paix et de tranquillité sociale, l’oubli semblerait préférable à une répression tardive qui ne ferait que raviver le souvenir de l’infraction. Certains considèrent même que le trouble à l’ordre public s’atténue avec le temps pour finalement disparaître.
De plus, certains auteurs appellent à une considération psychologique du coupable qui a dû vivre dans l’inquiétude et l’angoisse d’une éventuelle condamnation, peut-être même torturé par le remords. Certains auteurs parlaient d’une « insomnie de 20 ans ». On aurait le droit de ne pas vivre éternellement sous la menace d’une poursuite pour une infraction commise des années auparavant.
A ces deux premiers éléments, on peut ajouter le risque de dépérissement de certaines preuves comme les indices matériels ou les témoins qui peuvent faire craindre un risque d’erreur judiciaire ou de désillusion pour les victimes.
Enfin, pour une partie de la doctrine, la prescription viendrait sanctionner la négligence du ministère public : la société perdrait son droit de punir parce qu’elle ne l’aurait pas exercé en temps utile.
Cependant, certains de ces fondements traditionnels demeurent discutables : Tout d’abord, parce que dans certains cas, l’écoulement du temps n’entraine ni l’oubli, ni le pardon, notamment pour les infractions qui heurtent le plus gravement l’ordre social (par exemple meurtre, infractions sexuelles sur mineurs). De plus, même si l’on considère que le trouble à l’ordre public a pu disparaitre dans certains cas, la peine des victimes, elle, ne disparait jamais.
Selon Bernard BOULOC, si du point de vue de la justice pure et dure, la prescription de l’action publique se justifie parfaitement, « elle est en revanche plus contestable si l’on se place sur le terrain de l’utilité sociale et de la défense de la société contre le délinquant : le temps ne saurait atténuer ou supprimer le danger que celui-ci représente pour la société ». On peut ajouter à ce propos que les auteurs qui parviennent à passer à travers les mailles du filet pendant des années sont souvent les plus rusés donc potentiellement aussi les plus dangereux. Ainsi, l’angoisse de la sanction est parfois remplacée par un sentiment de puissance et d’impunité.
Enfin, ce qui justifie sans doute que la prescription soit particulièrement questionnée aujourd’hui peut être les progrès qu’ont fait la police technique et scientifique qui remettent en cause l’argument issu de la déperdition des preuves, tout du moins s’agissant d’indices matériels (on pense notamment au développement de l’ADN ou des preuves numériques).
Certains auteurs ont donc tenté de proposer des justifications modernes de la prescription mais elles ne sont pas unanimement partagés par la doctrine[6].
Ainsi, la prescription est souvent critiquée : Incompréhensible pour les victimes qui se voient fermer l’accès à la justice étatique, à l’heure ou la justice privée n’est plus permise, la prescription rime avec fuite de sa responsabilité et impunité. Ce sentiment d’injustice s’accroît encore lorsque la victime ne pouvait pas agir dans les temps, parce qu’elle n’avait pas connaissance de son droit, notamment lorsqu’elle n’avait pas conscience d’avoir été victime d’une infraction. C’est la problématique particulière de l’amnésie traumatique.
III) La prise en compte de l’amnésie traumatique : solution face à la prescription pour les victimes ?
L’amnésie traumatique est un mécanisme de défense psychique involontaire pouvant intervenir à la suite d’un traumatisme. Ce mécanisme de dissociation consiste pour le cerveau d’une victime à occulter les souvenirs et les émotions liées à ce qu’elle a vécu, c’est-à-dire que la victime peut ne pas se rappeler du tout avoir vécu des faits qui se sont pourtant produits. La durée d’une amnésie traumatique est variable mais elle peut durer des dizaines d’années et il faut parfois attendre un bouleversement émotionnel majeur pour que les souvenirs remontent à la conscience. Cette amnésie traumatique concerne souvent les victimes de guerre, de terrorisme, d’infractions sexuelles et touche davantage les victimes les plus jeunes au moment des faits.
Position de la Cour de cassation :
"Cette décision peut paraître surprenante dans la mesure où l’amnésie traumatique pourrait tout à fait s’apparenter à la force majeure et suspendre la prescription."
La Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que l’amnésie traumatique ne devait pas être prise en compte et notamment dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 octobre 2018[7]. Dans cet arrêt, elle dit que la chambre de l’instruction (juridiction d’appel des décisions rendues par un juge d’instruction) a fait l’exacte application des articles 9-1 et 9-3 du Code de procédure pénale. La chambre de l’instruction avait considéré dans une formule générale, impersonnelle et absolue, que « l’amnésie traumatique invoquée par la partie civile ne peut être considérée comme constituant un obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure ayant pu suspendre le délai de prescription ». Cette solution était déjà celle retenue dans un arrêt de la chambre criminelle du 18 décembre 2013[8], non publié au bulletin. L’arrêt de 2018 rappelle également ce qui semble logique, que le viol ne peut pas être qualifié d’infraction occulte ou dissimulée, car il ne correspond pas à la définition même de ce type d’infractions[9].
Sur son premier volet, cette décision peut paraître surprenante dans la mesure où l’amnésie traumatique pourrait tout à fait s’apparenter à la force majeure et suspendre la prescription (article 9-3 du Code de procédure pénale)[10].
Des difficultés pour reconnaître l’amnésie traumatique discutables : Cependant, restent plusieurs problèmes, et notamment la question de la preuve d’une telle amnésie. Si les sciences humaines parmi lesquelles la psychologie et la neuropsychologie ont considérablement progressé ces dernières dizaines d’années, elles souffrent encore d’une reconnaissance qui n’égale pas celle des sciences dures (comme par exemple l’analyse ADN). On admet volontiers en droit pénal que des disciplines puissent conduire à une atténuation des poursuites (par exemple, des expertises psychologiques et psychiatriques peuvent conduire à des déclarations d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité, qui peuvent alléger ou supprimer la peine d’un délinquant) mais la question se pose en d’autres termes lorsqu’il est question de rallonger le délai et donc potentiellement d’aggraver le sort du délinquant dans une matière où la protection des libertés fondamentales doit rester le maître mot. Il n’en demeure pas moins que l’imagerie cérébrale ayant fait des progrès, certains spécialistes de l’amnésie traumatique pensent qu’il soit possible de la détecter en utilisant des techniques d’imageries[11]. Se pose malgré tout le problème de l’absence de consensus parfaitement établi au sein de la communauté scientifique sur cette question de l’amnésie traumatique.
De plus, même si les sciences humaines ont progressé, il demeure qu’il existe toujours un décalage entre le fait et le droit, et qu’il semble que ce ne soit pas forcément le rôle du droit que de précéder la reconnaissance sociale de certains phénomènes, parmi lesquels, l’amnésie traumatique.
Enfin, on peut craindre un engorgement de la justice qui pourrait découler de l’acceptation d’une sorte de dérogation de délai pour les victimes d’amnésie traumatique. Cependant encore une fois, cet argument paraît avoir une portée limitée en ce que depuis l’allongement des délais de prescription à 20 ou 30 ans à compter de la majorité des victimes en matière d’infractions sexuelles par exemple, le nombre de victimes qui seront hors délai se montrera sans doute particulièrement réduit.
L’amnésie traumatique pourrait-elle être reconnue par une solution intermédiaire[12] pour les victimes entre prescription et imprescriptibilité ? Symboliquement, reconnaître l’amnésie traumatique serait un symbole fort[13]. Si pour l’instant en l’état actuel de la jurisprudence, ce mécanisme psychique n’est pas pris en compte, on peut espérer que s’il continue à faire parler de lui dans le débat public, il finisse par être intégré par la société, ce qui devrait permettre sans doute par la suite, sa concrétisation sur le plan juridique, d’autant plus que nombreuses sont les associations qui se battent pour voir l’amnésie traumatique entrer enfin entrer dans la loi.
IV) L’éventualité d’une imprescriptibilité
Evolutions jurisprudentielles et législatives : La jurisprudence s’est toujours montrée hostile à la prescription en rivalisant d’inventivité pour mettre en place des mécanismes contra legem afin d’allonger in fine les délais de prescriptions jusqu’à ce que certains auteurs ont parfois appelé « une imprescriptibilité de fait ». Entendant le malaise des juridictions, le législateur a fini par consacrer des délais plus longs et a fait entrer dans la loi des mécanismes tels que l’interruption et la suspension des délais de prescriptions. C’est ainsi que la législateur a consacré lors de la dernière réforme de la prescription, des délais plus longs pour la plupart des infractions mais en particulier pour les infractions commises contre les mineurs. Cependant, il a fait le choix de de ne pas élargir le panel des infractions imprescriptibles.
Obstacles à une totale imprescriptibilité des infractions sexuelles commises sur des mineurs : Sur la question de savoir si une telle imprescriptibilité serait souhaitable, chacun reste libre de ses opinions. On dira simplement que la prescription est un mécanisme bien ancré, qu’il semble pour l’instant compliqué d’ébranler[14], et que certains obstacles à une totale imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs demeurent. Se pose notamment la question difficile du choix des infractions imprescriptibles. Certes, cela relève de choix sociaux, et on pourrait faire le choix comme par exemple aux Pays bas, de rendre imprescriptibles les crimes passibles de la réclusion à perpétuité. Mais ne rendre imprescriptible que les crimes sexuels commis à l’encontre de mineurs et pas par exemple les actes de torture risque de semer la confusion dans l’échelle des valeurs que nous connaissons où seuls les crimes contre l’humanité et les génocides sont imprescriptibles[15]. Cela risquerait également de créer des disparités injustifiées entre les crimes : pourquoi un viol sur mineur serait-il plus grave que des tortures ayant entrainé la mort ? Et même entre crimes et délit : des victimes mineures de viol ou d’agression sexuelle peuvent avoir ressenti un même traumatisme mais être traitées de façon totalement différentes si l’on accorde l’imprescriptibilité aux crimes sexuels uniquement. Enfin, cela risquerait de créer une brèche et de conduire à rendre de plus en plus d’infractions imprescriptibles jusqu’à ce que le concept même de la prescription ne devienne complètement privé de sa substance.
CONCLUSION
"Si maintenir comme règle générale la prescription peut sembler souhaitable, il semble qu’accepter de l’aménager en prenant en compte l’amnésie traumatique pour le petit nombre de situations spécifiques qui se heurteraient à la prescription, serait bienvenu pour concilier au mieux prescription et intérêt des victimes"
En conclusion, on peut dire qu’avant de penser allonger encore des délais de prescription et d’inscrire de nouvelles règles et dérogations dans un édifice déjà particulièrement complexe, il semble qu’il puisse être intéressant de mener un travail avec les acteurs de terrain dans l’application des textes actuels : ainsi, un travail d’incitation aux dépôt de plainte, une plus grande reconnaissance des victimes ou encore une formation des acteurs extra-judiciaires qui les premiers recueillent la parole, pas définition fragile des enfants (médecins, enseignants, …) semble nécessaire.
Les nouveaux délais de prescription instaurés par la loi de 2017 sont déjà très longs et devraient satisfaire à la plupart des situations problématiques d’infractions prescrites telles qu’on les entend régulièrement dans les médias[16]. De plus, en son principe général, la prescription paraît être un mécanisme souhaitable à la paix sociale ainsi qu’à la bonne marche de la justice. Mais, si maintenir comme règle générale la prescription peut sembler souhaitable, il semble qu’accepter de l’aménager en prenant en compte l’amnésie traumatique pour le petit nombre de situations spécifiques qui se heurteraient à la prescription, serait bienvenu pour concilier au mieux prescription et intérêt des victimes, sans toutefois oublier que plus le temps passe, plus le risque de crainte d’une erreur judiciaire et d’une potentielle désillusion pour la victime sera grand.
La prescription relève d’un choix social et en dit long sur notre échelle de valeur. Il est nécessaire de placer le curseur au bon endroit pour préserver sécurité juridique et paix sociale sans occulter le fait que si une victime peut se reconstruire, elle n’oubliera jamais totalement ce qu’elle a vécu.
Adélie JEANSON-SOUCHON
[1] On parle de cold case ou encore d’affaires classées pour désigner des enquêtes anciennes non encore résolues
[2] Pour en savoir davantage sur les délais de prescription de de l’action publique applicables dans certains pays européens : https://www.senat.fr/rap/r06-338/r06-33812.html
[3] La prescription de l’action publique doit être distinguée de la prescription des peines qui désigne le délai au-delà duquel il n'est plus possible de mettre une condamnation pénale à exécution
[4] Concernant l’application de cette nouvelle loi dans le temps, il convient de noter que les lois de prescription sont des lois procédurales donc d’application immédiate. Ainsi, la règle est que si la prescription est acquise en vertu de l’ancienne loi, les faits sont définitivement prescrits et l’action publique définitivement éteinte, il n’est donc plus possible de relancer le délai. A l’inverse, si le délai est en train de courir (c’est-à-dire que l’infraction s’est commise avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle), on applique immédiatement la loi nouvelle, qu’elle soit plus ou moins sévère. Pour plus d’information sur l’application de la loi dans le temps en matière pénale, vous pouvez consulter la rubrique de droit pénal général dans la revue n°5 (juin 2019) page 35
[5] Dans le cas des agressions sexuelles autres que le viol sur mineur de 15 ans, le délai est de 20 ans à compter de la majorité de la victime, donc jusqu’au38 ans de celle-ci. Pour déterminer les durées de prescription applicables aux infractions commises à l’encontre de mineurs, il faut se référer aux article 7 et 8 du Code de procédure pénale qui procède à plusieurs renvois à d’autres listes et textes avant de pouvoir déterminer le délai applicable. Il ne nous a pas semblé utile de préciser infraction par infraction les délais de prescription applicable.
[6] Certains auteurs et notamment Etienne VERGES trouvent également une justification moderne à la prescription, face à la remise en question des fondements traditionnels : la prescription favoriserait le droit à être jugé dans un délai raisonnable (qui découle du principe du procès équitable prévu dans la Convention européenne des droits de l’homme) et permettrait une bonne gestion de l’action pénale en orientant l’action publique vers les troubles les plus récents et les plus graves.
[7] Cass. crim., 18 déc. 2013, n° 13-81129, D
[8] Cass. crim., 18 déc. 2013, n° 13-81129, D
[9] Voir notamment l’article « Viol sur mineur : l’amnésie traumatique ne suspend pas la prescription » de Sébastien Fucini publié le 30 octobre 2018 dans Dalloz
[10] En ce sens, voir « Brèves remarques sur le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles », Audrey Darsonville, publié dans l’AJ pénal 2017 p 532 « L'amnésie de la victime, quand elle existe, pourrait à l'avenir être considérée comme un obstacle de fait entraînant la suspension de la prescription, ce qui permettrait des plaintes tardives même sans allongement du délai de prescription »
[11] Dans une interview de Muriel Salmona, psychiatre et fondatrice de l'association "Mémoire traumatique et victimologie", publiée par Europe1 le le 10 avril 2017, elle explique que « On peut distinguer sur les imageries médicales que les circuits émotionnels et de la mémoire sont dysfonctionnels en cas de dissociation traumatique. Des structures du cerveau peuvent être atteintes comme l'hippocampe (qui joue un rôle central dans la mémoire) ou le cortex cérébral, cela se traduisant par exemple par une diminution de son épaisseur.Dans le cas d'un traumatisme sexuel, on peut observer sur une IRM que les zones impactées au niveau du cortex sont les zones génitales ». Dans son documentaire « Viol sur mineurs : mon combat contre l’oubli » , Flavie Flament, victime de viol dans son enfance se prête à un scanner de son cerveau qui révèle des anomalies évoquant d’après les neurologues « une souffrance chronique ».
Dans un article du Figaro du 24 septembre 2013, on peut lire que «Des études IRM montrent que des personnes ayant subi des abus sexuels dans l'enfance ont réellement des zones cérébrales dont le volume est diminué», observe le Dr Laurence Carluer.
[12] Une autre solution intermédiaire peut être évoquée ici mais elle a pour défaut de n’être qu’une pratique judiciaire, pas ancrée dans la loi et de dépendre du bon vouloir des magistrats du parquet : il s’agit des « enquêtes d’initiative ». Face aux malaises provoqués par les affaires de viols et d’agressions sexuelles sur mineur et leurs potentielles implications en terme de récidive, François Molins quand il était Procureur de la République de Paris a pris l’habitude d’ouvrir systématiquement une enquête dans le cadre d’infractions sexuelles commises sur des mineurs même lorsque les faits prescrits afin d’offrir une écoute de l’appareil judiciaire aux victimes, d’identifier d’autres victimes potentielles d’infractions de la même nature, de décryper des statégies de prédation et éventuellement dans certains cas de confronter le mis en cause aux faits (via une audition libre ou une rencontre avec la victime par exemple).
[13] Pour Mié Kohiyama, journaliste et présidente de l’association Moi aussi amnésie dans un débat « Loi Schiappa, le viol banalisé ? » (LCP, Ca vous regarde) : « on veut la reconnaissance officielle dans le cadre de la loi de ces chocs post traumatiques. C’est un symbole extrêmement fort car ça veut dire que violer un enfant c’est un crime absolument abominable, qui a des conséquences terribles et le législateur reconnaît ces conséquences, donc légifère sur l’amnésie traumatique. »
[14] Certains auteurs évoquent notamment un risque de censure du texte pour inconstitutionnalité. A ce sujet, voir par exemple l’article « Violences sexistes et sexuelles : la commission amende le projet de loi » écrit par Pierre Januel et publié dans Dalloz actualité le 11 mai 2018 : « Le député LR Sébastien Huyghe a proposé de prendre ‘’le risque’’ d'une censure par le Conseil constitutionnel concernant l'imprescriptibilité, cela permettant de ‘’marquer un acte politique fort’’ ».
[15] A ce sujet, on peut citer Anne Chemin dans un article « « Une société sans oubli est une société tyrannique » : pourquoi le principe juridique de la prescription est remis en cause » publié dans Le Monde le 10 janvier 2020 « Cette distinction n’enlève rien à l’horreur des crimes sexuels : elle énonce simplement que les criminels contre l’humanité sont des ennemis, non seulement des victimes, mais aussi du genre humain. »
[16] En effet, les dossiers prescrits médiatisés par les victimes que nous connaissons (en 2020, on peut par exemple citer le dossier Preynat, le dossier Matzneff ou encore l’affaire Sarah Abitbol) étaient soumis aux anciennes règles de prescription car prescrits avant l’entrée en vigueur de la loi de 2017. Si les crimes ou délits rencontrés dans ces dossiers venaient à se produire aujourd’hui, les délais de prescription seraient beaucoup plus longs qu’à l’époque
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