Voltaire, 1730
Cet éclairage a été publié pour la première fois par Marie BORGNA, en juin 2019, dans La Revue n°5.
Pardon et complicité en droit pénal : un équilibre fragile ?
Existe-t-il un pardon en droit pénal ?
Si l’on regarde la définition du Larousse, pardonner signifie ne pas tirer rigueur d’une faute commise. En d’autres termes, pardonner reviendrait à faire comme si la faute n’avait pas existé. Si l’on transpose cette notion de pardon en droit pénal, le pardon semble se manifester chaque fois qu'il y a abandon de la répression, que ce soit par l'atténuation ou par la disparition de la condamnation, voire de la sanction.
Quels sont les formes de pardon existant en droit pénal ?
On pense d’abord à la prescription, qui est un oubli imposé par la loi. Elle contient toutefois une limite morale qui est l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. Le pardon peut également être octroyé au nom de la société. Cela sera le cas avec l’amnistie ou la grâce lorsqu’elle est présidentielle. Ce type de pardon pousse à la réflexion dans la mesure ou il ne s’agit pas d’un pardon qui prend en considération l’évolution de la personnalité du coupable, sa remise en question, sa réinsertion.
A contrario, il existe des pardons fondés sur les facultés de réinsertion ou de repentir du coupable. Cette approche apparait beaucoup plus légitime car elle vient consacrer l’évolution positive du délinquant. C’est par son comportement positif qu’il obtient un pardon. Ce pardon n’affectera pas la question de la culpabilité mais affectera d’avantage la peine dont il fait l’objet. Soit la clémence affectera la détermination des modalités du choix de la sanction, soit elle affectera les modalités d’exécution de la sanction.
Qu’en est-il du pardon de la victime ?
Le pardon de la victime a une force symbolique forte pour la reconstruction de l’auteur de la faute, cependant cela n’aura pas le pouvoir d’empêcher les poursuites du ministère plus. La victime peut seulement ne pas se porter civile. Toutefois, ce pardon risque d’avoir un impact non pas sur la culpabilité mais sur l’atténuation de la sanction.
Pardon et complicité ?
Pardonner au crime induit-il une forme de complicité ? Pour reprendre la définition de Voltaire, il ne faut bien évidement pas entendre le terme « complice » comme nous l’appréhendons aujourd’hui en droit pénal : Le complice étant la personne qui sciemment, par aide ou assistance, a facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ou celui qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir l'aura provoquée à une infraction ou aura donné des instructions pour la commettre (Article 121-6 et 121-7 du Code pénal).
Il semble qu’il faille ici entendre le terme de complicité comme un accord, un cautionnement, un soutien entre deux ou plusieurs individus concernant un acte que l’un d’eux aurait commis. Dit autrement, l’action d’aménager la peine d’une personne reconnue coupable d’un crime, reviendrait symboliquement selon cette citation, à cautionner le crime commis. Par conséquent, si l’on pousse à l’extrême cette citation, cela reviendrait à donner de la légitimité à l’acte criminel.
Cette citation est donc bien évidemment tronquée concernant les aménagements de peines, car d’une part la responsabilité pénale de la personne n’est pas remise en cause, et d’autre part car cet aménagement n’est possible que lorsque le condamné a fait preuve de réinsertion et donc a notamment pris conscience du crime qu’il avait commis.
Cependant, la prise de position est beaucoup moins tranchée lorsqu’il y a amnistie ou prescription car la conséquence est un effacement de la condamnation ou une impossibilité légale de condamnation concernant des faits commis qui pourraient être criminels. Le débat reste donc ouvert concernant cet aspect…
Marie BORGNA
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