Cet éclairage a été publié pour la première fois par Adélie JEANSON-SOUCHON, en janvier 2020, dans La Revue n°6.
Contexte : D’après les estimations, et selon l’observatoire national de la protection de l’enfance, plus de 81% des infractions sexuelles seraient subies avant l’âge de 18 ans. Face à ce constat alarmant et à la volonté de protéger les mineurs, de nouvelles lois, comme la loi Schiappa du 3 août 2018, sont régulièrement votées pour renforcer les dispositifs existants de protection des mineurs contre les violences sexuelles. Parmi les infractions sexuelles existantes, l’une est spécifique aux mineurs : il s’agit de l’atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace, ou surprise. Historique : L’ancien Code pénal sanctionnait déjà les attentats à la pudeur commis sans violence, contrainte, ni surprise sur la personne d’un mineur. Aujourd’hui les atteintes sexuelles figurent aujourd'hui dans le chapitre consacré aux atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne. Les atteintes sexuelles ne sont donc pas tant sanctionnées actuellement en ce qu'elles constituent un comportement sexuel anormal mais parce qu'elles portent atteinte à autrui, et en particulier à sa liberté sexuelle.
Incrimination : L’atteinte sexuelle renvoie à l’infraction définie à l’article 227-25 du Code pénal qui dispose que : « Hors le cas de viol ou de toute autre agression sexuelle, le fait, par un majeur, d'exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende », l’article 227-26 prévoit les circonstances aggravantes applicables à cette infraction. L’article 227-27 précise que « Les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur âgé de plus de quinze ans sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende : 1° Lorsqu'elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; 2° Lorsqu'elles sont commises par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. »[1]
Distinction avec l’agression sexuelle et le viol - Cette infraction d’atteinte sexuelle est particulièrement proche de celle d’agression sexuelle et les deux notions obéissent à des régimes proches. Cependant, le choix a été fait dans le Code pénal Infraction du trimestre d’agression sexuelle[2] et de viol[3].
A la différence des infractions d’agression sexuelle et de viol, l’atteinte sexuelle ne nécessite pas au titre de l’élément matériel la preuve d’un acte sexuel commis avec contrainte, violence, menace et surprise. Dès lors que l’un de ces quatre éléments peut être caractérisé, seules les qualifications de viol et d’agressions sexuelles devront être envisagées par le juge.
Qualification de l’infraction - Eléments matériels : Concernant l’acte, il doit s’agir d’une atteinte sexuelle : cela peut être tout acte de nature sexuelle, qu’il y ait eu ou non pénétration, mais qui suppose dans tous les cas un contact physique. L’acte doit être commis sans violence, menace, contrainte, ou surprise. Concernant les protagonistes, il convient de distinguer l’article 227-25 de l’article 227-27. Concernant l’article 227-25, il est nécessaire que la victime ait moins de quinze ans et que l’auteur soit majeur. L’article 227-27 vise quant à lui les victimes âgées de quinze à dix huit ans : dans cette hypothèse, il faut que l’auteur des faits soit un ascendant de la victime, une personne ayant sur elle une autorité de droit ou de fait, ou encore une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
Qualification de l’infraction - Elément moral[4] : La caractérisation de l’infraction d’atteinte sexuelle suppose la preuve d’une intention de commettre un acte de nature sexuelle sur un mineur en connaissance de son âge.
Intérêt de l’infraction et questions soulevées - Tout l’intérêt de cet article est de réprimer un acte sexuel commis sur un mineur de quinze ans dès lors que ne peut être caractérisé la contrainte, violence, menace ou surprise. Cet article présente un intérêt tout particulier, en ce qu’il permet de protéger les mineurs contre des actes auxquels ils pourraient consentir (ou être dans l’incapacité de s’opposer) en raison de leur jeune âge ou en raison de l’autorité de l’auteur. Cet article protège donc aussi les mineurs contre eux-mêmes tout en permettant de garantir la liberté sexuelle du mineur de plus de quinze ans dans certaines limites. En effet, pour ces mineurs les plus âgés, une relation consentie avec un majeur n’est susceptible d’être réprimée que si elle a lieu avec un ascendant, une personne ayant autorité, ou une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
Cependant, cet article pose difficulté et est souvent décrié en ce qu’il fait une distinction entre les mineurs consentants, et les mineurs non consentants (lorsque la contrainte ou la surprise sont caractérisées par le juge). Or, pour les associations de défense des mineurs, mais aussi pour certains psychiatres, un mineur ne devrait pas être en mesure de pouvoir consentir de manière libre et éclairée à un acte de nature sexuelle, a fortiori avec un majeur[5]. Ainsi, si pour de très jeunes mineurs, les infractions d’agressions sexuelles ou de viols sont le plus souvent caractérisées, la difficulté demeure pour les jeunes adolescents, puisqu’aucun seuil n’est fixé par la loi. L’infraction d’atteinte sexuelle est une infraction permettant de ne pas aboutir à une impunité lorsque la violence, contrainte, menace et surprise ne peuvent être caractérisées. Toutefois, il s’agit d’un simple délit qui est donc assez faiblement réprimé. Dès lors, la loi est intervenue pour faciliter la caractérisation de la contrainte ou de la surprise afin de pouvoir qualifier l’infraction en agression sexuelle ou en viol s’il y a eu pénétration. Ces indications[6] à la disposition du juge sont présentes aux derniers alinéas de l’article 222-22-1 du Code pénal[7]. La lecture combinée des deux articles traitant de l’atteinte sexuelle soulève une autre difficulté en ce qu’elle laisse apparaitre une zone grise. En effet, l’article 227-27 du Code pénal vient réprimer une relation sexuelle entre un mineur de seize ans (victime) et un mineur ascendant ou qui aurait autorité sur la victime (dans le cadre de lien familiaux ou d’un moniteur de colonie de vacances par exemple). Or, le vrai problème est qu’a contrario, n’est pas réprimé une relation sexuelle entre un mineur de douze ans (victime) et un mineur ascendant ou ayant autorité. En effet, l’article 227-25 qui concerne les mineurs de moins de quinze ans vise la condition de majorité de l’auteur. Il y a donc ici un vide juridique qui ne pourra pas permettre la condamnation d’un auteur en raison du principe d’interprétation stricte de la loi pénale.
Adélie JEANSON-SOUCHON
[1] L'infraction définie à l'article 227-25 est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende : « 1° Lorsqu'elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; 2° Lorsqu'elle est commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;3° Lorsqu'elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;4° Lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ;5° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. »
[2] Article 222-22 du code pénal : "Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise."
[3] Article 222-23 du code pénal : "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol."
[4] Une infraction pour être constituée doit recouvrir un élément légal (elle doit être prévue par un texte), un élément matériel (c’est l’acte qui est commis), et un élément moral ou intentionnel (c’est l’élément psychologique de l’infraction qui renvoie à la volonté de l’auteur).
[5] Les associations se sont notamment beaucoup mobilisées suite à l’affaire de Pontoise lors de laquelle une fillette de 11 ans avait été considérée comme consentante à un rapport sexuel avec un majeur, conduisant les juges à retenir la qualification d’atteinte sexuelle plutôt que celle de viol.
[6] Ici, il ne s’agit pas d’une présomption au sens juridique du terme. En effet, la personne poursuivie est présumée innocente, il ne peut donc pas en principe y avoir en principe de présomption de culpabilité. Il s’agit seulement d’une indication pour le juge qui peut s’appuyer sur cet élément pour qualifier plus facilement des infractions plus graves.
[7] L’alinéa 2 prévoit que « la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur ».
L’alinéa 3 prévoit que « Lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ». En réalité, cet alinéa va principalement viser les mineurs les plus jeunes, qui n’ont pas la capacité de discernement nécessaire pour saisir ce que signifie le consentement à des actes de nature sexuelle.
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