Cet article propose le commentaire de la citation de M. Maurice TOESCA : « Une certitude n’a jamais été une preuve. Une preuve n’a jamais été ni ne sera une vérité. »
Cette citation de Maurice Toesca, écrivain et journaliste français, pose la question de la preuve confrontée à la vérité. Le Trésor de la langue française informatisée définit la vérité comme une « connaissance reconnue comme juste, comme conforme à son objet et possédant à ce titre une valeur absolue, ultime ». En droit pénal, de nombreux actes d’enquêtes renvoient à leur utilité au regard de la manifestation de la vérité. C’est le cas des interrogatoires des témoins qui doivent prêter serment de « dire toute la vérité, rien que la vérité »[1], ou encore de la retranscription des données enregistrées en matière de géolocalisation[2]. Ainsi, l’administration de la preuve, et par extension, le procès pénal, gravitent essentiellement autour de la recherche de la vérité.
Ainsi, la vérité judiciaire doit-elle être considérée comme une vérité absolue ?
La réponse est non. En effet, le système des preuves pénales français repose sur la recherche d’une vérité qui semble possible, probable et acceptable. A ce propos, le doyen Carbonnier énonçait « qu’après tout, une règle de preuve devait recevoir un assentiment populaire». Cette absence de vérité absolue tient aussi au fait qu’il n’existe pas de reine des preuves. L’abandon du système des preuves légales au profit des preuves morales contribue à ne pas admettre que l’on recherche une vérité absolue et irréfutable, mais une vérité plausible. De cette manière une preuve ne prétend pas rapporter la vérité, mais au moins à s’en rapprocher le plus. La vérité judiciaire concerne plutôt la vérité qui a convaincu une juridiction, ce qui permet de la différencier de la vérité factuelle qui demeurera inconnue.
Maurice Toesca commence par énoncer qu’une certitude n’est pas une preuve. Il admet ainsi que l’intime conviction de chacun doit être forgée par des éléments extérieurs à un ressenti propre. Sans preuve, il n’y a pas d’intime conviction, et si preuve il y a, elle ne vaudra jamais vérité. C’est en appréciant une preuve avec son intime conviction que l’on peut tendre à se rapprocher de la réalité. Concernant le juge d’instruction, et sa quête de vérité dans l’information judiciaire à charge et à décharge, Anne-Sophie de Lamarzelle[3] considère qu’il est « chargé de recueillir des éléments de preuve pour proposer un récit le plus complet et le plus fidèle possible à la réalité»[4].
Aujourd’hui, les nouvelles technologies et les sciences permettent de recourir à des techniques probatoires presque irréfutables. On peut évoquer les test ADN, notamment en matière de viol[5], ou de vol, cela s’avère être extrêmement pertinent lorsque l’on peut y recourir. Une incertitude demeurera toujours : l’élément moral. C’est ainsi que le basculement vers un système de preuves morales trouve sa pertinence.
Maurice Toesca replace ainsi dans son contexte le système probatoire français. Il fait implicitement état d’un équilibre entre les certitudes, les convictions et la vérité. La vérité est un idéal, et les certitudes sont des outils pour tenter de construire un récit cohérent et probable.
Valentine PIC
[1] art. 103 C.proc.pén.
[2] art. 230-39 C.proc.pén.
[3] Conseillère référendaire à la chambre criminelle de la Cour de cassation.
[4] Anne-Sophie de Lamarzelle, Le récit de l’instruction préparatoire, Les cahiers de la justice, 2013, p. 169 à 182
[5] Voir l’article disponible dans cette revue : « Prouver le viol », Mathilde SAUER, Les pénalistes en herbe, revue n°13 : la preuve en droit pénal
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